LE NOUVEAU MODÈLE DE PROTECTION MIS À L’ÉPREUVE

L’année 1995 sera particulièrement éprouvante pour le personnel et plusieurs s’en souviennent encore comme une année exceptionnelle de la Société: « L’évacuation de la ville de Parent ainsi que la charge de suppression provinciale a été étalée sur toute la saison à un rythme effréné, et ce, sans aucun répit. Il faut se souvenir que c’était la seconde saison subséquemment à la fusion des Sociétés de conservation avec la mise en place de nouvelles équipes de gestionnaires. C’était, également, l’une des premières fois que nous importions du personnel de l’extérieur du Québec » relate Ken Bérubé, directeur de la base de Maniwaki.

Durant la saison de protection, 1 145 incendies frappent les forêts québécoises brûlant ainsi 195 576 ha en zone de protection intensive. En zone de protection restreinte, 120 incendies sont recensés et affectent 530 932 ha.
Pompier forestier au travail lors d’un incendie de forêt

La Société fait régulièrement les manchettes en raison de l’évacuation du village de Parent et de feux majeurs qui surviennent en Gaspésie, en Haute-Mauricie et en Abitibi. Gérard Lacasse, coordonnateur à la prévention et à l’information, se souvient de cette période: « Lors de l’évacuation de Parent, la Sécurité civile à Trois-Rivières avait fait des interventions médias contradictoires aux nôtres. De plus, la diminution du nombre d’avions-citernes avait été soulevé par certains pour nous mettre dans l’embarras. Tous les réseaux médiatiques étaient braqués sur la SOPFEU. À ce moment, le ministre Gendron avait appuyé publiquement la SOPFEU dans ses efforts. » Afin d’en appeler au calme, tout est mis en œuvre pour informer et rassurer les sinistrés, dont des rencontres d’information, pour expliquer les interventions possibles. 

Une mesure d’interdiction de faire des feux à ciel ouvert en forêt ou à proximité est mise en vigueur à trois reprises pour un total de 29 jours. Une fermeture de la forêt est décrétée par le ministre du MRN pendant six jours sur plus de 10 % du territoire de la zone de protection intensive. Quant à elles, les opérations forestières ont aussi été perturbées par des restrictions ou des arrêts durant une vingtaine de jours.

Toujours sous contrat pour une période de cinq ans, la flotte de 33 avions de détection patrouille le territoire du 25 avril au 15 septembre. Daniel Normand, directeur du centre provincial de lutte se souvient: « Plus de 10 000 heures de vol ont été effectuées par les avions de détection. Le 30 juin, 110 feux de foudre sont allumés. C’était la première grosse saison pour la SOPFEU, mais aussi le premier accident mortel lors d’une opération de détection, le 17 juin.» 

Cette saison hors du commun incite la SOPFEU à tenir une consultation, dès l’automne, auprès de ses membres dans le cadre d’un processus d’amélioration continue de ses opérations. De cet exercice, mené par les CRPF, ressortent trois thèmes méritant une analyse plus approfondie: l’application des diverses mesures préventives, l’implication des membres lors du combat des incendies et le niveau de la flotte d’avions-citernes ainsi que le nombre d’équipages.  Sylvain Tremblay, directeur de la base de Roberval, résume l’année 1995 et la suivante comme ceci: « Ces deux années ont été marquantes par les nombreux feux de foudre qui ont mis à l’épreuve l’organisation et qui ont révélé au grand jour ses nouvelles capacités autant que les défis qui devaient être relevés pour en faire une machine bien rodée. »

Résultant des consultations amorcées à l’automne 1995, un plan d’amélioration est mis en place afin d’intégrer des mesures concrètes visant à accroître la qualité des interventions de la Société. Premièrement, les mécanismes d’application des mesures préventives sont révisés pour une meilleure synchronisation lors de leur utilisation. Deuxièmement, le programme de rationalisation de la flotte d’avions-citernes est revu et établi à 14 appareils. Également, un guide pour l’utilisation des hélicoptères est intégré aux opérations. Troisièmement, une politique opérationnelle sur la mise en place d’une organisation de feu de stade majeur incluant des liens avec la Sécurité civile est élaborée. Enfin, la taille de l’effectif de la Société est révisée et revue à la hausse.

1996
Sans avoir l’effervescence médiatique de l’année précédente, 1996 revêt, elle aussi, plusieurs facteurs d’exception. Tout d’abord, elle se distinguera par le nombre de feux en activité dans la même journée. Gérard Lacasse se remémore cette année comme suit: « Le 13 juin 1996, il y avait 378 incendies de forêt en activité au Québec.  Cette situation n’avait jamais été vue et n’a jamais été revue depuis. Quelques semaines plus tard, c’était le déluge du Saguenay et, par le fait même,  la fin des feux. » Comme le rapporte Daniel Normand, l’expertise de la Société est mise à contribution pour aider une toute autre vocation: « À Québec, nous avons fait la gestion des hélicoptères pour la Sécurité civile. Notre mission était d’approvisionner les pharmacies en médicaments car celles-ci étaient isolées en raison de l’effondrement des routes.»

Au total, 1 120 incendies sont combattus détruisant 243 817 ha en zone de protection intensive. Sur le territoire sous protection restreinte, 130 incendies sont enregistrés et affectent 447 772 ha. De ces feux, certains retiennent l’attention dont celui à proximité de Radisson sur le territoire de la Baie-James. Ce dernier sera combattu par le service d’incendie de la municipalité avec l’aide d’une quarantaine de pompiers de la ville de Montréal. Pendant ce temps, les effectifs de la Société étaient tous engagés au combat dans la zone de protection intensive. En septembre, la SOPFEU est en mesure d’intervenir sur un incendie constituant une menace pour la communauté de Longue-Pointe-de-Mingan sur la Côte-Nord.

Dorénavant, la Société est reconnue comme un service de formation par la Société québécoise de développement de la main-d’œuvre (SQDM). En cours de saison, un coordonnateur à la  formation est nommé en vue de permettre une planification et un suivi encore plus rigoureux des actions posées.

1997
Pour une troisième année consécutive, la foudre s’abat sur le Québec de façon importante favorisant une ignition instantanée de multiples incendies. Au total, 819 incendies ont embrasé 93 753 ha de forêt en zone de protection intensive. De ce nombre, deux incendies ont particulièrement fait parler d’eux en raison d’évacuation des villages de Val-Paradis (nord de l’Abitibi) et de Wemotaci (Haute-Mauricie). Afin de protéger la communauté de Wemotaci, plusieurs moyens sont mis en œuvre: «  Nous avons été dans l’obligation de faire un contre-feu qui a été supporté par plusieurs avions-citernes », se souvient Ken Bérubé, directeur de la base de Maniwaki.

Des mesures préventives sont appliquées en cours de saison. La mesure d’interdiction de faire des feux à ciel ouvert en forêt ou à proximité est mise en vigueur pour un  total de 20 jours alors que les opérations forestières sont perturbées pendant neufjours. Quant à elle, la mesure d’interdiction de circuler en forêt qui est décrétée par le ministre des Ressources naturelles est appliquée à deux reprises, soit quatre jours, pour des territoires restreints.

L’ajout de l’île René-Levasseur et d’un important territoire contigu à l’ouest et au nord de cette île augmente la superficie à protéger. Sur la Basse-Côte-Nord, à l’ouest et à l’est de Havre-Saint-Pierre, trois territoires sont également inclus faisant passer la superficie totale à protéger au Québec à
52 087 325 ha comparativement à 48 582 855 ha en 1994.

En raison de l’agrandissement du territoire, trois aéronefs sont ajoutés à la flotte de détection portant le nombre à 36. Pour les
avions-citernes, le nombre est toujours de 14 alors que les avions bimoteurs chargés de l’aéropointage ils s’établissent à 10 appareils. Afin de faciliter les opérations, ces derniers ont été dotés de console de radiocommunication.

À nouveau, plusieurs mandats concernant le plan d’amélioration sont réalisés. Tout d’abord, de nouvelles sources de combattants qualifiés sont identifiées portant à 366 le nombre de personnes disponibles ayant reçu la formation de huit heures de combattants occasionnels. Également, un comité sur la protection des infrastructures en forêt travaille à la conception d’un document recommandant une série de mesures. Enfin, en réponse à un besoin exprimé par les équipes de gestion de feu de stade majeur, le premier centre de commandement mobile est aménagé et permet d’avoir les outils nécessaires à la prise de décision directement sur le terrain.

La SOPFEU investit beaucoup d’efforts dans le développement de ses ressources humaines et matérielles. Les stratégies adoptées dans le combat des incendies semblent porter fruit de même que les efforts déployés en prévention des incendies de cause humaine.

Sans conteste, ces trois années permettent de tester la structure opérationnelle en période d’activités et démontrent le bon fonctionnement de la Société.


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